Les richesses du désert ou, l'accueil tunisien du Gaouri

Publié le par backtotheroots

C'est avec les flics que je vous ai laissé il y a une semaine et c'est avec eux que je commencerai ce nouvel opus... mais cette fois ci dans un rôle favorable puisque qu'il s'agit des agents formant un barrage à la sortie de Kasserine et qu'ils m'arrètent un camion m'amenenant jusqu'à un autre barrage du côté de Feriana et où, à nouveau, les agents me trouvent un véhicule qui me déposera à Gafsa. C'est la plus grande ville que j'ai traversé jusqu'ici (nayant pas vu Tunis et Bizerte), située sur des terres desertiques, sa richesse provient principalement des immenses mines de phosphates (cinq millions de tonnes produites en 2011 !) présentes dans les montagnes alentours.

Un peu plus loin, au niveau de Metlaoui, je bifurque pour atteindre les Gorges de Selja. Je plante ma tente (ou plutôt la maintien tant bien que mal avec des pierres) à quelques centaines de mètres pour les visiter le lendemain.

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Avant de les atteindre j'explore les environs et y découvre des oiseaux plutôt interressants :

Les moins farouches sont les traquets deuil (mâle et femelle)

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Ces deux là ne cessaient de se chercher, tournant autour des buissons, se chamaillant dans les airs.

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Le traquet à tête blanche se balade aussi dans le coin.

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Des petits groupes de roselins githagine volètent sur les versants.

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Mais l'oiseau le plus commun ici est sans conteste l'Amomane isabelline.

On trouve aussi de petits papillons.
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L'entré des gorges se fait par une "porte" que l'on visualise mieux par la photo prise de l'intèrieur.
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On reste dans un couloir pendant quelques centaines de mètres et puis cela ressemble ensuite rapidement à un canyon sur les versant duquel les traquets rieurs sont nombreux.
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Une des curiosités du site est la présence d'une voie de chemin de fer qui parcours les gorges, le seul train qui l'emprunte acheminant le produit de l'extraction d'une mine.
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Retour sur la route en direction d'une destination toujours plus au Sud : El Mahassen.
J'y parcours sa palmeraie me payant le luxe de manger les dattes à même le palmier !
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Dans la frange qui sépare la palmeraie de Chott el Jerid (une immense étendue séche et salée vestige d'un ancien lac) je me promène entre les salicornes et ces inflorescences qui perçent littéralement la terre brûlée pour apparaitre au grand jour.
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C'est dans ce cadre que je suis invité à me joindre à un groupe d'hommes buvant du jus de palme dans une cabane; jus de palme accompagné ce soir là d'une excellente soupe dont je profiterai goulument.
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C'est chez Hamza que je dormirai... après avoir parcouru les trois kilomètres de palmeraie qui nous séparent du village, à deux sur une 103, dans le noir, sans phare et avec les effets lègèrement euphorisant que confère l'ingestion d'une vingtaine de verres de jus de palme (fermanté pour lui faire quasiment atteindre la quantité d'alcool d'une bière légère). Je resterai dans sa famille une deuxième nuit, me permettant le lendemain de battre virtuellemnt l'équipe de foot de Tunisie par 3 buts à 2 et de récupérer plein de musiques locales.
A gauche Sabah (sa grande soeur en maitrise d'histoire parlant pas mal français), puis Afsa (la maman), Hamza et sa petite soeur.
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Je traverse les 70 kilomètres du Chott el Jerid à bord d'une voiture impeccable appartenant à un sextagénaire représentant d'une firme pétrolière qui écoute une radio de variétés françaises... pas vraiment ce que j'espérais pour traverser des étendus arides pendant que la route est balayée par le sable...
(Petite paranthèse pour signaler que le Chott a servi de décor au tournage de Star Wars pour l'environnement de Tatooine (la "planète désert"), nom venant d'une ville située à une centaine de kilomètres à l'est : Tataouine. Les bâtiments que l'on peut voir dans le film sont semble t il les même que ceux des populations habitants traditionnellement cette région.)
Enfin bref, cet homme a en tout cas le mérite de me déposer pile là où je le voulais : Jemna.
Je mets ma tente sur les bords de la palmeraie avec vu sur le plan d'eau dont je vais parcourir les bords le lendemain. Le résultat est franchement interessant pour une zone humide si prôche du Sahara : canard souchet et siffleur, tadorne de Belon et casarca, sarcelle d'hiver, busard des roseaux, avocettes, échasses, bécasseau cocorli.
Ci dessous à gauche un gravelot à collier interrompu et à droite un bécasseau minute.
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Mais aussi et surtout, celle pour qui je suis spécialement venu visiter le site : la sarcelle marbrée (difficile à approcher comme vous pouvez en juger par la qualité de la photo...)
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Les alentours, plus arides, rescèllent eux aussi de jolies observations comme le traquet du désert (ci dessous le mâle puis la femelle), mais également et à ma grande surprise, des fauvettes de l'Atlas finissant de passer l'hiver au chaud.
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Pendant les heures les plus chaudes je vais m'abriter sous les palmiers et y fait également de belles découvertes comme ce petit monarque.
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Ou, encore plus insolite !
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Niveau piaf, ici c'est la pie grièche grise (ssp elegans cette fois ci) qui est la plus abondante, ayant remplacé, pour se percher, les amandiers par les palmiers.
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C'est le matin, alors que je finissais de faire mon sac, qu'Amar m'a proposé de m'héberger le soir et c'est avec lui que je rentre pour aller fumer la chicha au café du coin avant de m'enfiler un mega couscous maison.
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Prochain arrêt : Le Sahara ! Je vais jusqu'à Ghidma où, faute de trouver le plan d'eau que je cherchais, je pars pour les dunes que l'on aperçoit à l'horizon. Là bas, surprise, je tombe sur de petites mares accueillant libellules et amphibiens !
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.Entre les buissons desséchés se promènent quelques espèces de lézards.
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Ainsi que cet oiseau très attachant qu'est le Sirli du désert.
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On trouve de la vie jusque dans les regs, comme ici, ce petit criquet.
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Sahara Sunset Spirit
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Enfin, pour satisfaire à la vision conforme du desert j'introduis ici une photo de dromadaire prise sur le bord de la route, à côté d'un hotel qui propose certainement une formule "chambre + balade en dromadaire accompagné d'un guide bédouin"...
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Après cette petite escapade, je me retrouve à Douz, LA ville touristique du désert tunisien... J'y observe mes premiers touristes, ainsi que des motards trop classe avec leurs tenues assorties à la couleur de leurs motos... couvertes de sponsors, un rallye se prépare.
Lorsque je tends mon pouce pour Matmata je suis au départ d'une route qui traverse 100 kilomètres de no man's land aride, et, malheureusement il est trop tard, plus personne ne passe... Je cache donc mon sac dans des buissons à l'entrée de la ville pour rejoindre un PubliNet et écrire tout ce que vous venez de lire. En retournant le chercher un peu avant minuit je croise sur la route un vieil homme qui m'accoste pour savoir où je vais comme ça, seul dans le noir. Lui, c'est Amor, il donne l'impression d'avoir 75 ans passés mais se comporte comme si il en avait le tiers... vif et blagueur, il m'invite (ai je vraiment eu le choix ?) chez lui dès que je lui ai révélé mon intention d'une nuit à la belle étoile. Il revient de son service à la station essence, sa pension d'ancien militaire ne lui permettant pas de faire vivre sa famille.
Je m'endore dans la même pièce que lui et son fils, bercé par la récitation du Coran d'une chaîne de télévision passant en boucle des images de montagnes verdoyantes, ce qui tranche violament avec les quantités hallucinantes de dêchets qui encerclent toutes les villes du pays, sans parler du désert...
Retour le lendemain matin sur la route de Matmata, au loin le rugissement des bécanes m'amène à imaginer tout ces grands enfants qui font jou-jou dans le sable.
Une fois n'est pas coutume, je suis rapidement contrôlé par un 4X4 de la garde nationale. Comme l'ont expérimenté d'autres avant moi, la discussion est un dialogue de sourds...
 
"Ce fut parfait au début quand, passé Los Angeles, je vis le car pénitentiaire, et même la nuit où les flics m'arrêtèrent dans le désert de l'Arizona, à deux heures du martin, tandis que je marchais sous la pleine lune dans l'intention de dérouler mon sac de couchage sur le sable aux abords de Tucson. Lorsqu'ils découvrirent que j'avais assez d'argent sur moi pour prendre une chambre d'hôtel, ils voulurent savoir pourquoi je dormais dans le désert. Impossible d'expliquer ça à des policiers, ou alors il faut faire une conférence. J'étais un intrépide fils du Soleil en ce temps là, je ne pesais que soixante-quinze kilos, je pouvais faire des kilomètres à pieds, un sac bourré à craquer sur le dos, je roulais mes cigarettes moi-même, je savais me cacher confortablement dans le lit des rivières et même vivre en tirant le diable par la queue."
"Ils braquèrent leurs phares sur moi, j'étais debout au milieu de la route en jeans et en vêtements de travail avec ce malheureux sac à dos rebondi sur les épaules, et ils me demandèrent "Où allez-vous? - Je vais chercher la paix" : on ne peut pas plus expliquer ça à la police qu'à la société."
 
Jack Kerouac - Les anges vagabonds - 1965
 
Une fois de plus, ce sont eux qui finissent par stopper les voitures pour moi. La camionnette qui me dépose à Matmata se garde bien de me lâcher dans la nature, elle me laisse entre les mains de la garde nationale de la ville. Réussissant à leur faire comprendre que je ne veux pas aller à Djerba mais simplement me balader dans les collines alentours, j'obtiens de pouvoir mettre ma tente à côté du poste pour y passer la nuit avant de repartir le lendemain. C'est pas que ça m'enchante franchement mais c'est un compromis. Par contre ça devient vraiment interessant lorsque deux minutes plus tard le flic revient vers moi en me disant que je dois aller à l'hotel situé juste à côté et, suite à mon interrogation, m'assure que je n'aurai rien à payer ! Royal !
L'hotel "Chez les berbères", modeste dans ses services a cependant un charme certains étant donné le fait qu'il est bati à la manière des maisons troglodytes qui sont apparament une spécialité du coin.
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Je peux enfin explorer les alentours, des paysages qui me rappellent la région de Ouarzazate - Erfoud - Er Rachidia au Maroc.
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J'y note l'arrivée des premières fauvettes passerinette (ci dessous) qui se mêlent au fauvettes de l'Atlas présentent ici aussi.
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Ainsi que la présence de ces petits crustacés plutôt jolis.
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C'est reparti avec pour objecti le Parc National de Bou Hedma. Comme d'habitude je n'y arriverai pas sans me faire inviter et cette fois ci c'est Aymen et sa famille qui sont mes hôtes. Il est ici à ma droite avec son père.
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Au programme de la journée, balade en 103 et visite des serres de harrissa.
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Ainsi que les plantations de pastèque dans lesquelles je découvre un petit reptile bien sympathique.
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Pour finir la journée par un somptueux couscous (évidemment).
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Le lendemain je finis par atteindre le Parc et on peut dire que je ne serai pas déçu du voyage ! C'est en fait une relique des paysages de savane d'Afrique du Nord qui s'étendaient dans la majorité du pays il y a encore quelques siècles et dans laquelle ont été conservées à l'état sauvage quelques espèces de grands herbivores comme l'oryx algazelle et les gazelles dorcas.
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Mais aussi d'autres bestioles interressantes comme cette tortue ou ce scorpion.
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Côté piaf je m'éclate bien aussi puisque j'observe deux nouvelles espèces de traquets dans mon séjour (ce qui nous en fait 6 sur les 7 qu'abrite le Maghreb, mais où se cache ce foutu traquet à tête grise?!)
Traquet oreillard (ssp melanoleuca)
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Traquet motteux
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Mais surtout des espèces spécifiques de la région: le cratérope fauve (ci dessous) et le ganga unibande.
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En fin de journée les nuages orageux qui dominent les montagnes rendent l'atmosphère vraiment particulière et la lumière est superbe.
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Le soir venu je dors chez le conservateur du parc, après être allé faire une sortie nocturne avec des stagiaires de l'université de Tunis (enfin des personnes avec qui je peux discuter en utilisant des concepts comme "écosystème" ou "biodiversité" !) et nous observons (entre autres) quelques gerboises.
Bref, le pied !
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Je fais le compte, depuis le dernier article (il y a onze jours, je n'ai sorti ma tente que deux fois... et il a fallu pour ça que je me cache dans une palmeraie ou que je fasse plusieurs kilomètres dans les dunes du Sahara !)
Direction la côte est désormais, je vous propose de nous retrouver dans une semaine pour le dernier épisode de la saison 3.
 
Hasta la felicidad !

Publié dans Tunisie 2013

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L
Toujours de si jolies photos... Tu en as d´la chance!!!<br /> <br /> Vaya con diOs o quien seA! : )<br /> <br /> Suerte y Azar *
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T
Tu es vraiment incroyable Etienne ! tu nous mets dans l'ambiance tant par tes récits que par tes photos ou vidéos, tu nous fais un peu peur par moment mais on t'admire dans le fond ....je te dis<br /> "ON" car Jean-Luc est à mes cotés .... Bisous de Normandie qui se remet tout doucement d'un gros épisode neigeux qui a paralysé notre région !
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