Dur dur de quitter la Turquie
Et voilà, alors que l'on commençait à me complimenter régulièrement sur mon niveau de turc (qui est très mauvais mais je suis l'un des rares touristes à rester suffisement longtemps pour m'en donner la peine) je m'en vais. Mais la route a été un peu plus compliquée que prévu.
La tentation a été très grande de rester quelques semaines de plus lorsque à Adıyaman je passe deux jours dans une colloc' et que tout le monde m'invite à rester une, deux ou même trois semaines si je le souhaite.
İl me faut vous expliquer les circonstances incongrues dans lesquelles j'ai rencontré ces sacrés loulous.
Je pars de Kahta, d'où j'ai posté le dernier article, et suis pris par un camion de déménagement. Je monte avec les deux hommes qui sont littéralement à l'arrière du camion (chose quasi inconcevable en France mais courante en Turquie). Lorsque nous doublons deux cyclistes baroudeurs je leur lance un grand salut, et sans doute me prennent ils pour un turc. Dix kilomètres plus loin je demande au camion de me déposer un peu avant la ville que l'on doit atteindre, Adıyaman, ainsi je pourrai rencontrer les deux voyageurs. En effet, une demi heure plus tard ils sont à mon niveau, se sont des Québecois et ils ne peuvent pas s'arrêter étant donné qu'ils cherchent à rattrapper leurs trois collègues après une crevaison. Juste après qu'ils soient partis une moto s'arrête à mon niveau, c'est parti mon kiki ! Lorsque je les double je m'en paye une bonne tranche et eux aussi. On ne roule pas longtemps, nous sommes à l'entrée d'Adıyaman. Les cousins canadiens reprennent la tête mais je trouve immédiatement une voiture qui me dépose dans le centre ville avant que eux y soient. C'est une véritable course poursuite et je m'attend à les voir repasser à tout moment.
Je marche un peu et un jeune accourt vers moi, me dit en anglais que mes trois amis sont passé juste avant et qu'ils ont scotché un petit mot sur le panneau de signalisation là-bas. Je lui éxplique qu'en réalité il ne s'agit pas de moi mais des deux cyclistes qui doivent arriver d'un moment à l'autre. İl est un peu abasourdi, ne comprend pas comment un tel hasard peux être possible. Deux équipes de voyageurs au même endroit au même moment, alors que les touristes ne sont pas très courant dans le coin, d'autant plus en Novembre.
Quand mes deux compagnons de routes débarquent je les aiguille, ils n'ont plus que dix minutes de retard.
Vous l'aurai compris le jeune turc est celui qui m'invite à manger un morceau dans sa colloc', c'est Mustafa. İl vient de passer une année d'Erasmus en İtalie et parle pas mal l'anglais.
Très rapidement moi et tout les membres de la colloc' comprennons que l'on est sur la même longueur d'onde et lorsqu'ils me disent que je dois rester ce soir je pressens déjà une excellente soirée.
Mustafa l'anglophone à gauche, Mustafa aussi à droite et Fatma. Si mon sourrire à l'air forcé, en réalité il ne l'est pas.
Obligatoire essayage du sac à dos.
Et du sac de couchage !
J'apprends à danser sur la musique kurde (dont je vous ramène quelques CD) mais malheureusement je n'ai pas les vidéos de ces instants aussi pathétiques (en ce qui me concerne) qu'hilarant pour tous les spectateurs de mes tentatives aussi nombreuses que vaines.
Les conversations sont étonnantes, mêlant le turc, le kurde, l'anglais, le français et l'italien. On assiste régulièrement à l'hybridation de ces langues formant des mots inédits.
Le lendemain nous visitons un site historique, les restes de la capitale du royaume de Commagène, celui du tombeau de Nemrut. Tout est creusé dans la roche.
Départ en stop pour Antakya, 24h plus tard je trouve là bas une nouvelle colloc' pour passer la nuit en attendant un car en partance pour Alep (en Syrie), le lendemain.
Problème, sans visa je suis refoulé à le frontière... L'atmosphère est impressionnante, dans l'immense poste frontière côté syrien on trouve des portraits de Bashar Al Assad partout, et de toutes les tailles. Mon passeur donne discrètement un billet dans la main du type qui traite mon cas, au fond de la pièce trois hommes sont menottés, deux entre eux et le troisième au radiateur... Après quinze minutes d'attente le verdicte tombe : je dois retourner en Turquie, et aller chercher un visa. On me dit qu'un véhicule va me ramener jusqu'au côté turque mais le sous fifre qui me raccompagne jusqu'au portail me fait un simple signe de la main pour me dire de dégager. Heureusement le stop fonctionne aussi dans le no man's land.
Le lendemain matin je fais le pied de grue devant le consulat syrien à Gaziantep, on m'annonce un mois d'attente après l'envoi de ma demande... la Syrie ça sera pour une prochaine fois.
Du coup je retourne à Adıyaman comme je le leur avais promis si je ne passais pas.
İls me demandent un repas bien franchouillard, et quoi de plus français qu'une blanquette de veau ?! Réussie en plus !
Après la première bouchée ils se jettent tous sur le sel et le piment, pour eux c'est un peu fade, ce peuple qui croque un piment entre chaque bouché durant le repas... Mais je récolte tout de même de nombreux "Elinize sağlık" "Santé à tes mains" la formule de félicitation pour le cuisinier lorsque le plat est apprécié.
Mehmet à gauche, Mustafa et Fatih a droite.
Une partie de la bande.
Mais comme les blagues les plus courtes sont les meilleures, je reprends la route pour Mersin sur la côte méditerranéenne en quête d'un bateau pour l'Egypte, dernière option pour cette destination.
Le lendemain j'acquière l'assurance qu'aucun trajet régulier n'éffectue la traversé vers quelque pays que ce soit en Afrique ou au Moyen Orient, la seule option est Chypre mais ce serai peine perdue de me lancer dans la recherche d'un bateau depuis là bas.
Tant pis pour l'Afrique de l'Est et la remontée du Nil.
Pour tourner la page il me faut de la marche et toute la fatigue qui l'accompagne, pour essayer tant bien que mal de calmer la surchauffe de mon cerveau.
Une reserve ornithologique à 40 kilomètres de là, le cap est prit, il suit la plage vers l'Est.
Le problème est que pour franchir les quelques rivières qui coupe mon tracé je dois faire de grands détours dans les terres, au milieu des champs de serres...
Je tombe parfois sur des ponts plus prôche mais ils feraient même hésiter une seconde İndiana Jones...
Un matin je tombe sur deux voyageurs en sac à dos allongés sur le bord de la plage.
Neža est slovène et Enis est turc, ils sont un peu comme moi, découvrent leur chemin au fur et à mesure qu'ils mettent un pied devant l'autre. İls vont dans l'autre sens.
Un quart d'heure de parlote et elle m'offre un bouquin en anglais (je le dévorerai moins vite), dont l'auteur et le héros viennent d'un village qu'elle me montre au loin, sur les montagnes qui se déssinent à l'horizon.
Je parviens à l'embouchûre de Seyan Nerhi et le pont le plus prôche n'est pas avant dix kilomètres dans les terres...mais c'est sans compter sur la légendaire aide turque !
Je discute avec un jeune dans une roulotte et bois quelques çay, il est fils de pêcheur et me propose d'attendre une heure le retour de son père qui pourra me faire traverser.
Oh surprise, quand il arrive je suis invité à partager le repas (qui comprend une partie de la pêche) avec lui, des copains et une équipe de chasseurs.
Ces derniers m'aident à faire un petit inventaire de la faune du coin... canard pilet, tadorne de Belon et deux chevaliers. İls ont également attrapé un jeune grèbe mais heureusement le relâche.
Avec le poisson ici c'est au choix, raki ou wiskey. Plus plus le repas avance et plus je vois l'état des gars se dégrader plus je me demande si je vais pouvoir traverser cette foutue rivière...ou du moins, dans quel état ?
Fİnalement c'est le fils qui prend la barre et ça se passe bien.
J'arrive à la réserve au bout de presque cinq jours alors que je pensais au début n'en mettre que deux...
Sur la route j'aurais fait de belles obs et toutes plutôt éxotiques : Prinias graciles, Bulbuls d'Arabie, Martin-chasseurs de Smyrne, Goëlands railleurs et Pélicans blanc. Un véritable succès !
Coté lépido je fais la rencontre de nombreux Petit Monarques, l'une des rares espèces migratrices transcontinentales.
Superbe papillon. Notez la tête tachetée de blanc.
La réserve est en fait principalement constituée d'un immense étang et je ne peux pas faire grand chose avec mes petites jumelles... à part contempler le rassemblement de milliers de Flamants roses et de Grues cendrés qui forment un véritable brouhaha de jour comme de nuit. Les passages de petits groupes de grues sont incessants.